On les dit obsolètes, vieillissants, dépassés. Pourtant, certains langages de programmation « anciens » restent aujourd’hui indispensables au bon fonctionnement d’infrastructures critiques. COBOL, C, Perl, Fortran, PHP… Loin d’avoir disparu, ils forment encore les fondations de nombreux systèmes bancaires, industriels ou institutionnels. Pour les freelances IT, ces technos jugées peu « sexy » représentent parfois une niche sous-estimée… et hautement stratégique.
Des langages dépréciés par la tendance, mais pas par le terrain
L’industrie IT raffole des nouvelles tendances : chaque semaine, un nouveau framework JavaScript est propulsé au rang de star, reléguant le précédent aux oubliettes. IA générative, edge computing, serverless… les buzzwords s’enchaînent, mais sur le terrain, les fondamentaux restent indispensables.
COBOL, par exemple, équipe encore une part importante des systèmes de gestion bancaire, de caisses de retraite, d’assurance ou plus récemment.. Minecraft (bon, c’est pour la blague, mais il n’en reste pas moins que le serveur CobolCraft existe bel et bien. Oui, oui, des petits génies ont eu envie de s’amuser un peu et de tout écrire en Cobol… comme quoi, à cœur vaillant rien n’est impossible). Cobol est même si présent que lors de la crise du COVID-19, certains États américains ont publiquement appelé les développeurs COBOL à la rescousse pour mettre à jour des systèmes de gestion de chômage.
C, lui, reste au cœur des systèmes embarqués, de la sécurité bas niveau, des drivers, des microcontrôleurs, des OS… Il est encore largement utilisé dans l’industrie automobile (calculateurs de bord chez Renault ou Toyota), l’aéronautique (systèmes de contrôle Airbus ou Boeing), dans l’IoT, ou pour développer des logiciels comme Git (écrit par Linus Torvalds), ou encore les bases de données comme PostgreSQL, Redis, MySQL.
Fortran, bien qu’ancien, est encore très utilisé dans le calcul scientifique. On le retrouve chez Météo France pour les prévisions météorologiques, dans les simulations aérospatiales à la NASA, ou dans le projet ITER pour modéliser la fusion nucléaire. Il reste le standard dans plusieurs domaines de simulation physique avancée.
PHP, souvent tourné en dérision, fait pourtant tourner une bonne part du web mondial : WordPress (qui équipe plus de 40 % des sites web en 2024 selon W3Techs), Prestashop, Drupal, Magento… Il reste utilisé dans l’e-commerce, les CMS et certains systèmes métier. Facebook, à ses débuts, avait également été développé en PHP avant de basculer sur HHVM (transpilation en C++).
Ada reste lui aussi présent dans plusieurs secteurs critiques. Il continue d’alimenter certains modules du système embarqué de l’Airbus A350, notamment pour des tâches nécessitant un haut niveau de sûreté. Eurocontrol, l’organisme européen de sécurité aérienne, utilise encore Ada dans ses logiciels de gestion du trafic aérien, en raison de sa fiabilité et de sa robustesse. Même dans les infrastructures ferroviaires, comme la signalisation du RER B en Île-de-France, Ada est encore utilisé, preuve de sa longévité dans les systèmes où la tolérance à l’erreur est minimale. (N’allez pas blâmer ce pauvre dinosaure des retards de train, il n’a rien à voir la dedans.)
Quant à Object Pascal (Delphi), souvent considéré comme un langage du passé, il reste bien vivant dans certains secteurs. Dans la banque et l’assurance, notamment au sein de PME industrielles, Delphi est utilisé pour faire tourner des interfaces internes et des logiciels comptables développés spécifiquement sous Windows. On retrouve également des applications Delphi dans des hôpitaux, des centres de soins ou encore des collectivités territoriales, là où les systèmes en place n’ont pas encore été migrés – souvent pour des raisons de coût ou de stabilité métier.
Classement TIOBE (mars 2025)
Le TIOBE Index mesure la popularité des langages de programmation en fonction du nombre de recherches effectuées sur des moteurs comme Google, Bing, Yahoo!, Wikipédia, Amazon, YouTube et Baidu. Il ne reflète pas directement l’usage en production, mais donne une bonne indication des tendances de visibilité et d’intérêt dans l’écosystème.
Selon ce classement de mars 2025 :
- C : 4e position avec 9,53 %, largement utilisé dans les systèmes embarqués, OS et pilotes.
- Delphi/Object Pascal : 10e position avec 2,15 %, toujours présent dans certaines applications industrielles et bancaires.
- Fortran : 11e position avec 1,70 %, présent dans les sciences du calcul intensif.
- PHP : 13e position avec 1,48 %, encore omniprésent dans le développement web côté serveur.
- Ada : 18e position avec 0,85 %, encore utilisé dans les systèmes critiques (aéronautique, défense, spatial).
- COBOL : 20e position avec 0,84 %, toujours actif dans les infrastructures bancaires et gouvernementales.
Des besoins bien réels, et une pénurie de profils
Là où le décalage devient stratégique – malgré l’utilité indéniable de ces langages “préhistoriques” – c’est que très peu de développeurs formés aujourd’hui sont compétents sur ces technos. L’offre de formation est faible, les nouvelles générations les boudent, et les départs en retraite s’accumulent…
Conséquence ? Les profils encore compétents deviennent des experts rares. Et parfois bien mieux rémunérés que leurs homologues en Node.js ou Python.
Les besoins ne sont pas éphémères : qu’on le veuille ou non ces systèmes ne vont pas être réécrits demain. Trop complexes, trop risqués, trop coûteux. Ils doivent être maintenus, sécurisés, modernisés en douceur.
Opportunités pour freelances : une niche rentable (et stable)
Les freelances maîtrisant ces langages peuvent donc se positionner sur des missions critiques, bien payées, souvent longues, parfois à distance, le rêve finalement (notamment sur des projets de migration, de maintien en condition opérationnelle ou de refactoring).
Et même sans maîtriser déjà ces langages, certains profils back ou data peuvent rapidement monter en compétence sur l’un d’entre eux, pour se positionner sur des missions délaissées par le reste du marché.
Même sans formation initiale sur ces technologies, un développeur backend ou data ayant de bonnes bases en algorithmie, logique procédurale ou gestion des performances peut apprendre rapidement un langage comme COBOL, Fortran ou Ada. Les structures de ces langages sont souvent plus simples que celles des frameworks modernes, et des ressources existent pour une montée en compétence rapide. En quelques semaines de pratique ciblée, certains profils peuvent devenir opérationnels sur des tâches de maintenance, de migration ou d’interfaçage — ce qui suffit déjà à se positionner sur des missions à forte valeur, souvent ignorées par la majorité du marché.
Exemples de missions à étudier (via Opteamis ou ailleurs…)
- Migration d’applications COBOL vers Java ou .NET
Refonte d’un ERP en C avec documentation technique à produire - Intégration de modules Fortran dans des workflows Python pour la recherche
- Modernisation de plateformes e-commerce PHP sous Symfony ou Laravel
On pourrait en imaginer encore des dizaines, on vous laisse le soin d’être attentifs et de ne plus négliger les missions avec des mots clés datant de l’âge de pierre.
Parce que, sans conteste, tout ce qui est ancien n’est pas dépassé…
Dans l’univers IT, les modes vont et viennent, certes, mais les systèmes qui tournent depuis 30 ans sont toujours là. Et ceux qui savent les maintenir sont plus utiles que jamais. Pour les freelances en quête de stabilité, de missions techniques exigeantes ou simplement d’un positionnement moins saturé : la piste des « vieux » langages vaut le coup d’œil.
Parfois, le futur se construit aussi avec du code d’hier.